Carnet de Voyage, Chapitre 1

VOICI LE TRES LONG MAIL QUE CERTAINS D'ENTRE VOUS ONT RECU. Je le met ici pour les gens qui auraient le courage de le lire. Plusieurs parties :

- A l'arrêt au port
- Les Tribulation d'un Francais en transit
- L'arrivee au Conodo
- Quelques anecdotes rigolotes sur la vie là-bas

- A l'arret au port

En fait, ça a commencé dans une voiture, avec le babillage des recommandations de ma mère en musique de fond. Une sorte de tapis roulant, vous savez. Comme à Montparnasse. Ca vous emporte, sans crier gare, pas besoin de réfléchir, ça avance, ça ronronne. On entend, on écoute pas : ambiance...

Et puis on arrive.

La porte capitonnée de la voiture s'ouvre. Le son de l'extérieur s'engouffre, l'odeur de kérosène s'impose, le vent enfermé entre les aérogares siffle son mécontentement.

Souffle la bise sur mon courage, souffle la tempête sur mon tempérament : dans quelques minutes je m'envole au dessus des nuages, là où le ciel est toujours bleu . Dans quelques minutes, je pars aux Amériques.

Aux Amériques…

Il y en a qui partent en voyage avec Mickey Parade, moi je pars en voyage avec Tocqueville. C'est d'un snob. Voila qu'il s'impose dans mes pensées sans que je lui en ai donné l'autorisation, par simple association d'idée : De la démocratie aux Amériques… Voila bien une rémanence dictatoriale de ma prépa SciencePo !  Eh oui. On oublie la prépa mais la prépa ne nous oublie jamais ! Alors, souffle la prépa ! Souffle des vagues d'images impromptues. Souffle discrètement des réminiscences et des pensées oubliées. Les heures passées dans l'odeur d'un vieux livre au cœur de la nuit. L'automne finissant derrière les longues fenêtres d'une salle de cours. Un vieux professeur, bienveillant mais intransigeant. Peut être avait il été un Petit Chose, ce vieux professeur. Peut être.

Peu importe. Tout le monde s'en fout Et puis ce n'est pas le propos.

Ce n'est plus le propos.

L'avion n'attend pas.

Il faut aller au comptoir.

Faire un sourire niais à l'hôtesse d'accueil.

Congédier sa mère.

Rentrer dans la zone d'embarquement

Et prendre quelqu'un en flagrant délit d'humanité.

Là, tout de suite.

Tiens, lui, par exemple.

Il a peut être 50 ans. On vient de l'appeler pour un vol vers Stockholm. La Samsonite à la main, le Financial Times dans l'autre, la lassitude sur le visage.

Au dessus de la Samsonite, il y a un petit paquet cadeau bleu. Et dedans il y a un ours en peluche. Je le sais, je l'ai vu l'acheter tout à l'heure.

Dans quelques heures, un enfant va sourire. Il va revoir son père et se découvrir un doudou.

Dans quelques heures, un père va sourire. Il va revoir son enfant et se découvrir un cœur sensible.

Peut être va-t-il demander à son patron s'il peut mettre la pédale douce sur les voyages. Etouffer un peu le son du piano, jouer la partition moderato cantabile. Basculer vers les choses qui ont du sens.

Eh oui, les hommes d'affaires aux Samsonites cachent bien leur jeu derrière leurs Echos et leurs regards sérieux. Ils pensent, ils se souviennent, ils se rappellent leur jeunesse, leurs envies… Peut-être se disent-ils…

Il est temps de vivre la vie que tu t'es inventé…

Ou pas.

Car les délires de P-O façon Love Actually, ça va 5 minutes… Je vous avais annoncé des carnets de voyage pas du melo de prisunic..

Les Tribulations d'un Francais en transit.

Alors tout le monde se prend par la main et on retourne ensemble à Heathrow.

Et on fait un petit jeu…

Sachant que P-O est un gaffeur né, laquelle des propositions suivantes est la bonne

A) P-O a paumé son passeport à Heathrow

B) P-O a paumé son billet à Heathrow

C) P-O a paumé son passeport et son billet à Heathrow

D) P-O est un idiot et à ce stade ça confine au crétinisme absolu

E) P-O est un distrait et à ce stade ça confine au génie total

F) Bof…

Alors ?

Alors ceux qui ont répondu C D et F sont tous des rats crevés et je les emmerde grave…

C'était mercredi soir devant la porte d'embarquement pour le vol Londres - "Vanequeuveu". J'avais tout : billet d'avion, papiers d'immigration, attestation d'assurance...
Mais pas de passeport.

Comment ça pas de passeport ?

Putain de bordel,P-O, c'est pas le moment de faire ton P-O.
Mais non…
Il faut se rendre à l'évidence...

Pas de passeport.

10 minutes et un embarquement terminé plus tard, le contenu de mon sac est étalé sur la moquette moche et moi je regarde la passerelle s'écarter du 747 en tentant de réfléchir... Trop tard pour aller à l'ambassade, pas moyen de revenir en France sans perdre le bénéfice du vol vers Vancouver... La merde, quoi. J'ai donc passé la nuit dans le Terminal (oui, oui comme un clochard…) et au petit matin j'ai pris l'Underground pour aller au Consulat.

"On ne peut pas vous faire de passeport, il faut que vous rentriez en France"

Je vous laisse imaginer ma gueule qd on m'a dit ça.
Même pas peur…

Retour à Heathrow pour s'entendre dire qu' "en fin de compte on l'a retrouvé, c'est l'agent de comptoir au transit qui l'avait fait tomber sous sa chaise ". Funny isnt'it ?

J'ai cru que j'allais tous les mordre...

Bref, je suis donc arrivé avec 24 h de retard. Accueilli par ma logeuse qui m'a directement emmené au concert de rockabilly d'un de ces amis ! Bizarrement, avec mes pérégrinations londonniennes et mes nuits précédentes, je n'ai pas ressenti de Jet Lag. Il faut dire que j'ai passé un temps fou au soleil dans l'avion et que c'est le meilleur truc pour s'acclimater. Eh oui, j'étais là,  comme un gosse à mater le Groenland. Ce désert de neige à perte de vue, avec ses vaguelettes dessinées par le vent... C'est trop beau. (nb : tous les gens qui sont des vieux blasés de l'Amérique du nord peuvent aller se faire voir  : c'est la première fois que je met les pieds au nord du Rio Grande alors je vous livre toutes mes impressions, brut de décoffrage)

Arrivee au Conodo.

 

Le Conodo... Avec ses gens affables et prévenants. Avec ses employées de banque qui ne vous connaissent pas du tout et qui vous accueillent d'un "Salut, comment ça va aujourd'hui ? Moi je suis allé voir Star Wars hier soir c'était super bien, vous devriez y aller et maintenant que puis je faire pour vous ? ".

Je n'invente rien.
 
Je possède un statut privilégié : celui de Français de France. A ne pas confondre avec les Quebequois qui sont de sacrés déconneurs et qui aiment se présenter comme "français". Bizarrement, ils sont plutôt mal vu par le reste de la population (bizarrement…)

Me voila donc au Canada mais bon je pense quand même à vous.

Figeac, ne t'inquiète pas je n'ai pas oublié ta requête. Comme convenu, j'ai récupéré un sac à vomi tout juste utilisé (mais pas trop). Comme tu me l'as demandé je vais attendre que ça sèche et te le ramener pour ta collec.Tu vas voir, il est super beau. Bleu nuit, aux couleurs de la British Airways, et zébré d'un fil blanc de bave laissé par son premier propriétaire.T'as trop de la chance.

Pour la pause culture exigée, par Juk, j'ai pensé que je pourrais peut être vous expliquer comment la Baie d'Hudson a été baptisée. Alors c'est un mec, il s'appelait Hudson, il s'est pointé dans la baie, il a regardé à droite, il a regardé à gauche, il a vu qu'il n'y avait personne et là discrètement, il a donné son nom au coin, ni vu ni connu je t'embrouille. Non, ne me remerciez pas, vraiment tout le plaisir est pour moi.

Et je passe à l'essentiel…

Lundi dernier, c'était férié au Canada. C'était Victoria Day et la Reine Elisabeth, honorable chef d'Etat du Canada, est venue taper la discute avec le Prime Minister et faire risette aux petits nenfants sur le trajet avant d'aller se laver les mains discretosse parce que faut pas deconner ils sont crades tous ces sales gosses.

J'ai donc passé un super week end de 3 jours ou j'ai commencé à découvrir la ville.

Le Stanley Park ( voir ci dessus) par exemple, véritable havre de paix à 10 minutes du centre des affaires. Imaginez un parc quasi triangulaire (isocèle) de 3 km de coté. Sur le front de mer, avec tout plein de séquoias, de lacs, de chemins forestiers et de verdure luxuriante. Et encore il vous manque l'odeur... Tout ça à 10 minutes de DownTown, le quartier business où les buildings poussent bien en ce moment ( j'y reviendrai un peu plus loin).

Bien entendu, vous êtes avides de culture et vous vous demandez ce que la Colombie Britannique peut bien offrir au touriste appliqué. Et bien, le patrimoine culturel de la BC tient pour beaucoup dans le métissage avec les Premières Nations, les populations indiennes locales. La Vancouver Art Gallery détient justement la plus grande collection des œuvres d'Emily Carr, artiste canadienne qui a su intégrer à son art l'influence de la culture indienne. Je ne suis pas fan mais bon : ya quelques toiles sympa.
 

Comment ça je vous ennuie ?
Bon, je continuerai un autre jour pour les gens intéressés.
Et j'en viens à des choses plus concrètes.
La vie de tous les jours par exemple

Premières émotions au supermarché avec les rayonnages entiers de chips, Curly et autres junk food bien dégueu. Une explosion de calories au mettre cube. Et à coté des mètres entiers de linéaires dédiés aux brownies et pan cakes… Entre autres. C'est pas gagné pour manger équilibré. Heureusement, il y a les grocery stores et les hypermarchés Safeway un peu plus fournis. Bonne nouvelle, le saumon coûte rien et il est super bon. Mauvaise nouvelle, le concept d'haricot vert est méconnu et les pots de Nutella ne dépassent pas le format "célibataire rachitique". Quand on sait qu'un pot familial me fait 5 jours, je ne vous raconte pas comme c'est le drâme.

Je fais donc mon Erasmus dans les rayons à ausculter les produits. Je suis le consommateur idéal pour tout marketeur qui se respecte. J'arrive totalement vierge dans un environnement ou je ne connais pas les marques. Je passe mon temps a halluciner sur les kilomètres de Twix et autres barres chocolatées, sucreries, et calories makers. D'un autre coté, on est aussi au pays du produit "fat free" qui couvre une bonne partie des étalages.Paradoxe rigolo… Vous avez vu ? Un rien m'amuse…

Ce matin je suis allé ouvrir un compte a la banque HSBC. Vous savez, la banque qui fait de la pub sur les local acknowledges, la banque qu'elle est bien parce qu'elle prend en compte les coutumes locales... Une charmante demoiselle s'est occupée de moi. Tiens, je me demande si je ne vais pas aller la voir pour savoir quelles sont ses coutumes locales ;) .

En 3 minutes mon compte était ouvert.

J'ai l'impression que dans cette ville tout va très vite. Les buildings sortent de terre un peu partout, les boutiques ouvrent à tous les coins de rues, le port a augmenté son trafic de 40 %... Ca respire le dynamisme, la joie de vivre, l'entrain. Certes il ne faut pas avoir peur de galérer au début dans des super petits jobs mais une fois qu'on connaît les bonnes personnes tout va très vite : les relations de confiance sont reines ici. Vous êtes un ami de Flavio que je connais et que j'apprécie ? Très bien, dans ce cas je vous fais confiance. Faisons un bout de chemin ensemble dans ce business.

J'ai rencontré pas mal de gens à Yale's. C'est LA boite de Blues et Rythm'n'Blues de Vancouver. Celle qui a vu passer les plus grands. Une salle grande comme l'Aqua/ le Petit Journal Montparnasse (rayez la mention inutile selon votre localisation géographique). Pareil, dans la rue : les gens se parlent très facilement. L'accent aidant, ils s'intéressent. D'ou tu viens ? Comment tu trouves la ville ? Tu fais quoi ce soir ? On fait un bbq avec des amis et mes parents, tu veux venir ? Le rapport de confiance est impressionnant ! Peut-être que cet interet n'est qu'ephémère... On verra...

Ici, si on veut ouvrir son magasin en ville et décider qu'il sera ouvert de 8h00 du mat  à 1h00 du matin, qu'il sera ouvert le dimanche et les jours fériés, il n'y a pas de pb et aucun préfet ne viendra ronchonner avec son GAJA. Tout repose sur la volonté personnelle. Si t'es en galère, que tu dois trouver un job pour manger et que tu acceptes ces conditions de travail difficiles ça ne veut pas dire que tu vas etre un looser toute ta vie. Mary, par exemple a commencé il y a 2 ans dans un Starbucks comme serveuse. Aujourd'hui, elle est propriétaire du lieu, sous franchise, et apres emprunt. Tout marche bien pour elle et elle est ravie ! Mais elle le dit, elle-même : elle en a chié.

Ah oui, je ne vous ai pas dit : 32 % de la population est d'origine asiatique… Du coup, les restaus chinois et japonais sont légion. On peut se blinder le bide de sushi pour 7 dollars (4,2 €)  Les étudiantes de Boulogne qui nous lisent par millions apprécieront… Pareil pour les open salad ou on se sert indifféremment en laitue, pâtes froides, macédoine, poivrons, et des dizaines d'autres trucs bien sympa. 1,3 $ les 100g, soit 0,78 €. Le tout dans un souci d'hygiène constant et impressionnant. Franchement, depuis le début je n'ai eu aucune déception culinaire; je touche du bois !

Et vous laisse plantés là. Bonne soirée !