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How Deep is The Ocean

Pourquoi il faut relire Camus

2 Juillet 2005 , Rédigé par Monsieur Fabuleux Publié dans #Moderato sur ton Piano

C'est la fin de la journée, vous êtes le dernier à partir, les bureaux sont déserts. Vous éteignez votre ordi, jetez quelques papiers et vous vous tournez vers la baie vitrée.
Là bas, tout en bas,
la foule pietine,
les voitures coexistent,
la vie suit son cours...

Et là, alors que vous contemplez la nuée en espérant l'orage, l’évidence vous saute aux yeux :

cette existence est d'une absurdité sans nom !

Or en matière d'absurdité de la vie c'est Camus le maître.
Alors, en reprenant votre bus pour rentrer chez vous vous remémorez ses bouquins,
Et là, c'est le draâââââme !
Vous vous rendez compte que tous ces livres sont d'une actualité à faire frissssonner n'importe qui...

Bon OK en fait c'est pas vous, c'est moi, P-O...
Arrivé chez moi, j'ai cherché un peu sur le web... Et j'ai trouvé cette phrase, extraite du Mythe de Sysiphe, le 1er essai de Camus.


«  L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. L’absurde est essentiellement un divorce. Il n’est ni dans l’un ni dans l’autre des éléments comparés, il naît de leur confrontation. L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites. »


Allez prenons deux œuvres-témoins... Les plus connues peut-être.

La Chute, tout d'abord.

Pourquoi relire La Chute ?

La chute, c'est celle de la femme du haut du pont, mais c'est celle aussi de Clamence, cet homme qui n'aime personne, si ce n'est lui même. Cet homme qui virevolte de femme en femme.
Jusqu'à la chute de l'une d'elle qui va entraîner la sienne. 

Cette chute de Clamence, c'est peut-être la chute de l'homme contemporain a qui  le monde moderne a volé son humanité. Clamence, symbolise donc  l'avenir de l'Homme, un avenir pas brillant et guère optimiste. Il incarne la chute de la civilisation  dans une comédie de chaque instant régie par le qu'en dira-t-on, un chaos indescriptible. Le Chaos du monde dans lequel Camus vit. (mais notre monde actuel  l'est tout autant.)

Ce qui est super important à mes yeux, plus que la parabole sur l'humanité, c'est le fait que Clamence le beau parleur, Clamence l'avocat, (oui, Clamence le juriste!!), est obnubilé par le jugement ! Celui  que son entourage, proche ou non, a sur lui, cette image qu'il offre à la société.

C'est le rire de la société qui déclenche tout. Le rire moqueur et anonyme. Clamence se découvre fragile, sujet à la farce. Dorénavant, il ne peut plus être insouciant. Il ne peut plus se soustraire au jugement de ces concitoyens. 
Or, le jugement est rude !
Accaparé par sa vie de plaisirs, Clamence a perdu de vue l'essentiel : être humain et responsable. La chute de la femme lui
démontre sa lacheté et lui donne envie de repartir à zero. C'est ce que Camus a développé dans le Mythe de Sysiphe :


« Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l’action. Cela s’appelle devenir un homme. Ces déchirements sont affreux. Mais pour un cœur fier, il ne peut y avoir de milieu. Il y a Dieu ou le temps, cette croix ou cette épée. Ce monde a un sens plus haut qui surpasse ses agitations ou rien n’est vrai que ces agitations. Il faut vivre avec le temps et mourir avec lui ou s’y soustraire pour une plus grande vie. Je sais qu’on peut transiger et qu’on peut vivre dans le siècle et croire à l’éternel. Cela s’appelle accepter. Mais je répugne à ce terme et je veux tout ou rien. »

Voici donc le nouveau Clamence, qui veut tout ou rien : Clamence le noctambule, celui qui avance dans le noir, celui qui a tout perdu : le soleil, ses illusions qu'il prenait pour vérités, son innocence - aux deux sens du terme - et sa confiance envers l'humanité.

Clamence enfile alors les habits du juge et entame son propre procès afin de se purifier. Afin de retrouver un semblant d'honneur, de retrouver une virginité. Elle passe par une auto-accusation qui lui ouvre le droit de juger lui aussi les autres, de devenir juge-pénitent.

Et vous savez quoi ?
On est tous des Clamence ! Clamence qui nous dit de ne pas se laisser aller au
désespoir et au renoncement...
Ou plutôt, on devrait tous être des Clamence.
Enfin, moi j'aimerais bien en tout cas. "
Pour un cœur fier, il ne peut y avoir de milieu..."

Passons à l'Etranger...

Pourquoi relire l'Etranger ?

L'Etranger c'est un bouquin que j'aime beaucoup pour des raisons personnelles.
Mes parents me reprochent souvent de ne pas leur être reconnaissant ou de ne pas
être attentif à la vie familiale. Bien entendu c'est complètement faux. Il y a une part de pudeur, de maladresse et de distraction de ma part et une part de naturel. Le problème, c'est qu'ils ont tellement besoin de ces manifestations de gratitude, qu'ils traduisent l'absence de celles-ci par un défaut pur et simple de gratitude de ma part. 
Et bien vous savez quoi ?
Vous sortez cette situation de son contexte et vous la multipliez à l'infini .

Ça y est ?
Vous y êtes ? 
Bienvenue dans notre
société actuelle où l'existence précède l'essence.


Tout le contraire de l'Etranger...

L’étranger, c'est Meursault et Meursault, c'est Romain Duris à la fin de l'Auberge Espagnole. Quelqu'un qui refuse de se compromettre, qui refuse de ne pas être en accord avec soi même.  Meursault et Duris ne rentrent pas dans la danse. J'ai retrouvé sur le web cette interview de Camus où il dit :


" Meursault refuse de mentir. Mentir ce n'est pas seulement dire ce qui n'est pas. C'est aussi, c'est surtout dire plus que ce qui est et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu'on ne sent. C'est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. Meursault, contrairement aux apparences, ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu'il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacée."


Or cette réaction de la société a pris une ampleur étourdissante pour accoucher de notre monde actuel...  A tel point, que dire ses sentiments, s'engager sur quelque chose, est devenu un acte exotique, étrange et qui fait peur. Cette peur est normale, mais le fait que de moins en moins d'individus se sentent prêt à la surmonter ne l'est pas. C'est même désespérant. Désespérant pour l'humanité qui glisse ainsi tranquillement dans le gouffre après des siècles de créativité et de progrès.

Bon je pourrais passer des heures sur le sujet alors je préfère vous laisser là...
Voici en conclusion une description que Sartre faisait en 1945 dans un magazine américain.

 "... Il est probable que dans l'œuvre sombre et pure de Camus se puissent discerner les principaux traits des lettres françaises de l'avenir. Elle nous offre la promesse d'une littérature classique, sans illusions, mais pleine de confiance en la grandeur de l'humanité; dure, mais sans violence inutile, passionnée mais retenue... une littérature qui s'efforce de peindre la condition métaphysique de l'homme tout en participant pleinement aux mouvements de la société."

Et une phrase de Camus qui nous invite à ne pas trop nous prendre la tête avec ces considérations...

« Parce que j’ai envie de vivre et d’être heureux. Je croix qu’on ne peut être ni l’un ni l’autre en poussant l’absurde dans toutes ses conséquences. », Caligula, 1944

 

ps : Et si vous relisiez le Désert des Tartares pendant que vous y êtes ?

 


 

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B
salut ma poule<br /> bon, 1 g pas le tps tout de suite, mais je trouve très bien ta volonté de faire un blog<br /> et je j'aime beaucoupton livre d'auster<br /> @tte<br />
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